Bonjour,
Je m’appelle Philippe et je suis bien embêté. En effet, mes collègues m’ont dit « tu devrais écrire un article pour parler de ton métier parce qu’on parle rarement du rôle du graphisme dans les outils pédagogiques ». J’ai accepté, et après plusieurs heures passées à essayer d’écrire et de réécrire cet article, le constat est implacable : je suis incapable de raconter mon métier tel un expert sur un célèbre réseau social destiné aux cadres.
C’est sans doute une question de langage et c’est justement le thème que je voulais aborder, c’est dommage. Je voulais vous dire que le graphisme est un langage, et même une langue : la langue des émotions.
L’importance des émotions
C’est très important, les émotions, elles permettent de se souvenir des expériences vécues. Si tu as eu très peur du vide en traversant un pont, tu te souviendras longtemps de cette peur… et du fait de l’avoir surmontée. Ça te permettra de traverser d’autres ponts.
Si tu as ressenti une joie intense en découvrant le ping pong au camping des flots bleus l’été 94, tu te souviendras comment jouer au ping pong. En revanche, si tu t’es ennuyé en écoutant monsieur Fouchet t’expliquer le rôle des amibes en 4eG, il y a de fortes chances que tu n’éprouves aucune attirance pour la biologie. C’est injuste, mais c’est ainsi : nos savoirs dépendent en grande partie des émotions reçues en les apprenant.
L’ennui, c’est ce que je veille à épargner aux apprenants quand je crée du graphisme et des illustrations. Mon rôle n’est pas non plus de les écarter du sujet de l’outil pédagogique en leur en mettant plein les yeux, non, il faut rester utile. C’est plutôt une question de rythme et de mélodie.
Le design est la petite musique de l’outil pédagogique
Par analogie, prenons une chanson pop.
La mélodie soutient le chant, donc les paroles. La batterie et la basse structurent la mélodie et forment, pour résumer, le rythme. La guitare, le synthé, les violons et tous les autres instruments arrangés embellissent, enrichissent, apportent des variantes, soutiennent le chant ou s’en dégagent, s’écartent, partent en solo, se rejoignent… ils créent des émotions.
Rapportons ça à un outil pédagogique. Veuillez applaudir :
- Au chant, et donc à la mélodie : le contenu pédagogique !
- A la batterie, et donc au rythme : le graphisme !
- Aux accompagnements : les illustrations !
→ Un premier couplet, pour familiariser le visiteur au contenu de l’outil, lui donner des repères : les couleurs, les visuels, l’ambiance générale.
→ Les couplets suivants, monter en complexité : schémas, tableaux… mais aussi des illustrations plus généreuses. Il faut que l’intensité soit progressive pour maintenir l’attention.
→ Jusqu’au couplet final, qui reprendra tout ce qu’on a vu de manière amplifiée.
Et tout cela forme une harmonie.
Du moins quand cela fonctionne, car il ne s’agit pas de partir dans un solo de graphisme ou une symphonie à contre-temps obscure. Je n’ai rien contre l’Art contemporain, mais n’oublions pas qu’il faut que l’apprenant suive cet outil pédagogique : il faut rester pop.
Mais quelle(s) émotion(s) retenir ?
Les plus belles chansons qui s’inscrivent dans nos mémoires sont les chansons tristes. Mais un outil pédagogique n’a pas pour but de soulager notre manque d’espoir. Il faut plutôt s’inspirer des ritournelles dansantes qu’on fredonne : positives, optimistes, entrainantes… du moins quand ce n’est pas déplacé.
S’il est judicieux d’utiliser des visuels frais et joyeux dans un module d’e-learning expliquant les tenants et aboutissants de la comptabilité des PME, il sera délicat d’en faire de même pour un sujet médical. Dans ce cas, il faut reconnaître l’utilité de la musique d’ascenseur : éviter le malaise en employant un graphisme neutre, élégant, formel et doux.
Quand le sujet est souple, et pour engager l’apprenant, on peut s’autoriser le suspens, jouer avec les codes visuels de l’aventure, du jeu de société, et parfois même du thriller policier dans le cas d’une enquête.
Voilà, c’est ça que j’aurais voulu dire dans mon article : en termes de design, tout est imaginable, à condition qu’il reste au service du contenu pédagogique. C’est de ce dernier qu’on doit se souvenir.
Dommage que je n’aie pas réussi à l’écrire.